mardi 17 août 2021

A plague tale : innocence

Voila un jeu plutôt encensé par la critique qui me laissait relativement dubitatif. Après l’énorme déception qu’a été Nier Automata et ses innombrables critiques positives qui se laissaient complètement abuser par l’aspect clinquant et oubliaient de gratter la peinture, j’ai appris à me méfier des critiques trop positives sur les jeux, notamment ceux qui ont l’air de soigner leur mise en scène. Et dans le cas de A plague tale : innocence, j’ai bien fait de me méfier, parce qu’on est exactement dans le même cas.

Présentation

A plague tale : innocence (que je vais maintenant abréger APTI, parce que c’est vraiment relou à écrire) nous propose d’incarner Amicia De Rune, une jeune fille de la noblesse française au moyen-âge (en 1300 et des brouettes). Un beau jour, l’inquisition débarque chez elle, tue ses parents et saccage le domaine dans le but d’emporter avec eux Hugo, son petit frère de 5 ans, qui souffre d’une maladie étrange. Dans le même temps, des hordes de gros rats noirs se déversent partout dans le pays tel un fléau divin que seule la lumière (du soleil ou d’un feu) permet de tenir à distance. Vous devez donc fuir à travers champs en évitant les hommes de l’inquisition ainsi que les rats, entraînant votre frère malade avec vous.

En lisant la critique du jeu, je m’étais dit qu’il s’agissait d’un genre de jeu d’infiltration / puzzle où il faut user de discrétion pour éviter les soldats et de ruse pour éviter les rats. C’est pas vraiment mon genre de prédilection, raison pour laquelle je ne l’ai pas acheté malgré l’histoire et les graphismes qui semblaient prometteurs. Grand bien m’en a pris. J’ai finalement pu faire le jeu récemment puisqu’il était offert gratuitement sur la boutique Epic, et je me suis ainsi rendu compte que seulement la moitié de ce que j’attendais était vraiment au rendez-vous.

Une histoire sympathique avec de belles images

Je vais commencer par les graphismes, car c’est le point le plus incontestable de APTI : il est très joli. Les personnages sont bien modélisés, les décors très détaillés et l’ambiance est vraiment très bonne. Le point le plus notable du jeu est l’animation des hordes de rats, qui rend vraiment assez bien. Bon, si on s’attarde dessus, on voit bien que les rats, individuellement, ont des comportements chelous, mais l’effet de masse grouillante est plutôt bien rendu et c’est le principal.

L’histoire est intéressante et assez bien narrée au travers des dialogues, mais j’ai quand même un gros soucis avec la fin. Je vais être obligé de la révéler pour expliquer mon problème (et de révéler des éléments importants du scénario au passage), donc sautez au paragraphe suivant si vous ne voulez pas la connaître. Le jeu se termine lorsqu’on défait Vitalis, un membre haut placé de l’église (je sais plus son titre, peu importe) qui voulait s’approprier le contrôle des rats (en faire son super-pouvoir quoi), raison pour laquelle il avait besoin de Hugo (c’est lui qui, naturellement, peut contrôler les rats). On l’en empêche, c’est très bien, et ensuite les rats disparaissent et tout redevient normal. Sauf que Vitalis n’était pas du tout à l’origine de l’apparition des rats, il voulait simplement les contrôler et les utiliser, alors pourquoi le fait de l’avoir vaincu les fait soudainement disparaître ? Soit les scénaristes n’avaient aucune idée de comment se débarrasser des rats au final, et ils se sont dit «Aller, y’a qu’à dire que tuer le méchant ça les fait disparaître, personne n’y verra rien», soit ce sont des incompétents qui ont confondu la résolution d’un problème secondaire (le prêtre) avec celle du problème principal (l’invasion des rats). Dans les deux cas, ça ne fonctionne pas et l’histoire, intéressante jusque là, m’a laissé un mauvais goût d’inachevé. 

Les divers personnages du jeu sont intéressants eux aussi et plutôt attachants... SAUF CE PUTAIN DE GAMIN INSUPPORTABLE ET CON COMME UN MANCHE A BALAI QUI EST AU CENTRE DE TOUTE L’HISTOIRE DU JEU. J’ai détesté Hugo dès la première minute, et si j’avais pu le faire je l’aurais jeté dans les mains de l’inquisition ou dans une meute de rats à la première occasion. Il est l’archétype habituel dans les jeux et les films du gamin teubé au possible, avec un instinct de survie tirant dans le négatif, qui passe son temps à foutre la merde parce qu’il ne comprend rien à rien et trouve rien de mieux que s’enfuir et courir partout en faisant la gueule pour des conneries alors que des soldats sont à sa poursuite et que des meutes de rats féroces sont en train de butter tout le monde. Et bien entendu, en bonne grande sœur clichée elle aussi, Amicia cherche absolument à le protéger malgré tout, alors que n’importe qui de censé l’aurait abandonné au bout de 2 minutes parce que manifestement il est bien trop con pour vivre (et en plus, je suis sûr que ça aurait permis de résoudre tous les problèmes). Bref, Hugo est LE putain de boulet que vous devez vous coltiner pendant une bonne partie du jeu, et c’est pas le développement qu’il a à la fin de l’histoire qui vient tout excuser.

Et le jeu, dans tout ça ?

C’est là que commencent les vrais problèmes, ma bonne dame. Toutes les critiques qui encensent APTI ont, je pense, oublié de se poser une question : qu’est-ce qu’un jeu ? Et qu’est-ce qu’un bon jeu ? Si pour vous, un (bon) jeu est une histoire intéressante et bien servie avec de jolis graphismes pour l’accompagner... hé bien moi, j’appelle ça un film. Et APTI est à mon sens bien plus proche du film interactif que du jeu vidéo.

Pour vous expliquer mon problème, je vais faire un petit parallèle avec les jeux de société. Prenons le jeu de l’oie, que tout le monde connaît. On est bien d’accord qu’il s’agit là du niveau zéro du jeu : il n’y a absolument aucune décision ni même réflexion à avoir, on lance simplement le dé, on avance du nombre de cases indiqué et on applique l’éventuel particularité de la case sur laquelle on tombe. C’est ultra basique, ça ne fait appel ni aux réflexes ni à la réflexion des joueurs, et ces derniers n’ont absolument aucun contrôle sur l’issue de la partie qui est totalement dans les mains du hasard, au point que si vous laissez quelqu’un jouer à votre place ça ne changera absolument rien au final. Le jeu de l’oie est certainement un des plus mauvais jeux de société qu’on puisse trouver, avec un aspect ludique proche du néant.

Hé bien APTI, c’est le jeu de l’oie des jeux-vidéo. Le joueur n’a pratiquement aucune liberté, il se contente de faire ce que les développeurs ont décidé qu’il devait faire : on avance le long de l’unique chemin disponible en courant seulement lorsque c’est permis, en sautant uniquement là où c’est autorisé, et en faisant une à une les actions prévues par les développeurs. Si on ne respecte pas précisément ces consignes, on ne peut pas progresser ou bien on se mange un game over.

C’est là que, pour moi, les promesses du jeu sont à moitié tenues : j’ai bien eu l’histoire et les beaux graphismes, par contre je n’ai pas du tout le côté infiltration / puzzle que j’attendais. Alors oui, de loin et en plissant les yeux, ça ressemble effectivement à un jeu d’infiltration / puzzle : il y a bien des moments où on doit éviter les gardes en restant discret, et d’autres moments où ils faut trouver comment progresser à travers les nuées de rats en jouant sur le feu et les sources de lumière, ou en les attirant ailleurs. Si je dis que le contrat n’est pas rempli, c’est parce que, comme pour le jeu de l’oie, il n’y a généralement aucune réflexion à avoir. À chaque situation, il n’y a souvent qu’une seule réponse possible et elle est la plupart du temps absolument évidente. Je ne dois pas me faire voir par les soldats ? Hé bien, progressons donc dans cette évidente ligne de hautes herbes qui est de toutes façons le seul chemin accessible. Je dois passer à découvert et je dois donc détourner l’attention des gardes ? Ça tombe bien, il se trouve que comme par hasard il y a un gros tas d’armures en métal posé juste ici, sur lequel je peux lancer un caillou pour faire du bruit et attirer leur attention. Des rats me bloquent la route et il n’y a que la lumière pour les chasser ? Peut-être devrais-je prendre cette torche accrochée au mur, qui est l’unique source de lumière à disposition.

Vous voyez ce que je veux dire ? On a presque jamais besoin de réfléchir dans APTI, tout est très évident, ne serait-ce que parce qu’on est toujours coincé sur un chemin très étroit, les développeurs ayant vraiment trop peur qu’on essaye de s’écarter de ce qu’ils ont prévu. Et sur un chemin aussi restreint, il est difficile de rater les éléments très évidents qui sont là pour nous permettre de progresser. Et d’ailleurs, au cas où vous seriez quand même susceptible de rater l’élément essentiel à votre progression, le jeu lui-même vous le fera remarquer avec les réflexions des personnages et un gros zoom de la caméra sur l’élément en question. À vrai dire, les rares moments où j’ai dû m’y reprendre à deux fois pour passer, c’est à cause d’un comportement imprévisible de l’IA (genre «Ha d’accord, ce garde là fait demi-tour à cet endroit, très bien je le saurais maintenant») ou parce que j’ai sous estimé un risque («Ha ben si, en fait même s’il y a 3 pauvres rats qui traînent, je me fais quand même bouffer si je vais là»).

Voila le problème que j’ai avec APTI et qui me fait dire que les critiques sont généralement bien trop tendres avec lui : le joueur est sur des rails du début à la fin du jeu, et impossible pour lui de s’en écarter. Je pense que les développeurs en étaient bien conscients puisqu’ils ont ajouté un certain nombre d’éléments totalement inutiles à collecter dans les différents niveaux afin d’offrir un semblant d’exploration. Et attention hein, «exploration» dans APTI ça veut dire «faire 3 mètres en dehors du chemin bien balisé», genre s’aventurer dans une minuscule ruelle qui se termine en cul de sac au bout de 10 pas (quand même, il faudrait pas que le joueur se perde, t’imagines ?). Je n’ai pratiquement jamais eu l’impression de jouer en faisant APTI, seulement celle d’appuyer sur les touches nécessaires pour que l’histoire puisse continuer : je n’étais pas un joueur, juste un technicien exécutant les instructions à la lettre. Et ça, pour moi, ça ne mérite pas d’être qualifié de bon jeu.

Pour finir, je voudrais pointer du doigt la durée de vie de APTI, qui est assez faiblarde. Environ 8h pour arriver à la fin, et une rejouabilité quasi-nulle puisque, comme je l’ai dit, on est sur des rails tout du long, et qu’une nouvelle partie ressemblera exactement à la précédente. Donc à moins que l’histoire et l’ambiance vous aient donné envie de vous y replonger (ce qui est tout à fait possible, vu que l’ambiance est franchement réussie), je ne vois pas de raison de faire APTI une nouvelle fois.

Conclusion

A plague tale : innocence n’est pas un bon jeu. Il possède de très bon graphismes, une histoire intéressante et bien narrée (mais avec une fin discutable) et des personnages sympathiques (sauf ce connard de mioche), mais le ludisme est aux abonnés absents à cause d’une possibilité d’action beaucoup trop restreinte : on fait ce que les développeurs ont décidé qu’on devait faire, et rien d’autre. On ne décide pas, on se contente d’exécuter pour que l’histoire puisse suivre son cours, et c’est ce qui fait que je ne peux pas considérer APTI comme un bon jeu-vidéo... mais c’est sans doute un film interactif tout à fait appréciable.



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