mardi 25 octobre 2022

La reine des ombres

Il y a des livres qu'on achète parce que le résumé fait envie et on sort satisfait de la lecture, pour d'autres on est déçu, et il y a des livres dont le résumé ne fait pas particulièrement envie mais qu'on achète quand même parce qu'on ne sait pas quoi prendre d'autre (ou pour essayer de varier un peu), et au final on se demande «Mais pourquoi j'ai acheté ce truc ?». La reine des ombres de Tricia Levenseller réussit l'exploit de à la fois tomber dans cette catégorie mais en plus d'être le livre le plus malsain et totalement foiré que j'ai jamais lu.

 
Alessandra, fille de la noblesse, souhaite se rendre à la cour du roi des ombres afin de le séduire, de l'épouser puis de le tuer pour s'emparer de son royaume. Le roi est cependant menacé par des assassins (autres qu'elle-même, je veux dire) et elle va l'aider à s'en protéger et à les débusquer, parce qu'il ne doit pas mourir avant de l'avoir épousée.

Et je vais commencer tout de suite par le soucis majeur de ce roman, qui ruine complètement le peu d'intérêt qu'il peut avoir et que vous avez peut-être discerné dans ce résumé :

L'héroïne est une connasse

Oui je sais, c'était subtil, mais on suit une meurtrière manipulatrice qui veut séduire le roi simplement pour l'épouser avant de l'assassiner et pouvoir poser son cul sur le trône. Et c'est pas comme si le roi en question nous était présenté comme un tyran sanguinaire qu'il faut absolument destituer parce qu'il martyrise son peuple hein, non non, c'est juste que madame estime qu'elle devrait être reine, donc voila.

Et du coup, ben j'en ai jamais rien eu à foutre de ses déboires, d'autant plus qu'ils sont totalement mérités la plupart du temps puisqu'ils sont le résultat de ses magouilles. Quand il lui arrivait quelque chose, je ne me disais pas «Ohlala, comment va-t-elle s'en sortir ?» mais plutôt «Ha ben ça il fallait t'y attendre pétasse, bien fait pour ta gueule». En plus, les problèmes qui surviennent sont résolus très rapidement (le livre est assez court mine de rien, il est relativement épais mais les caractères sont plutôt gros et les lignes espacées), donc même si on devait s'inquiéter pour elle pour une raison qui m'échappe, on comprend vite que le soucis sera résolu 4-5 pages plus loin. J'ai donc parcouru le livre avec une relative indifférence à tout ce qui se passait : je n'avais pas envie de voir l'héroïne réussir, je me foutais totalement de ce qui pouvait lui arriver puisque c'était très souvent mérité, et la fin (attention spoiler, même si on la voit venir de très loin) où finalement elle tombe amoureuse du roi et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants n'apporte aucune satisfaction car elle n'est absolument pas méritée (je rappelle que c'est une meurtrière, qu'elle manipule les gens et qu'elle projetait d'assassiner son époux, hein...).

Mais il n'y a pas que l'héroïne qui pose problème, c'est également le cas des autres personnages, et je me pose vraiment des questions sur la manière qu'a l'autrice de les représenter. Et là je vais divulguer quelques éléments (mineurs) de l'histoire, mais j'en ai besoin pour expliquer mon soucis.

En fait, tout le long du roman elle essaye de nous présenter comme positifs des personnages qui, si on s'en tient à leurs actions, sont plutôt des connards. J'en viens donc au deuxième personnage central du récit, le fameux roi des ombres. Jeune roi de 19-20 ans, au début il n'a rien de très particulier en dehors de ses fameuses ombres qui couvrent son corps (on en reparlera aussi de ça tiens...) et semble plutôt sympathique (enfin, vite fait quoi). Sauf qu'on apprend plus tard qu'il a pour ambition de conquérir le monde (parce que pourquoi pas), fait mater violemment des révoltes, exécute ses gardes à la moindre négligence... Bref, c'est un connard aussi quoi... sauf que tout ça est présenté comme étant parfaitement normal, et j'ai même envie de dire que le livre nous incite à trouver ça valorisant comme comportement. En effet, personne ne s'offusque de ce comportement et le seul point de vue qu'on a (celui de l'héroïne) s'en fiche complètement ou trouve ça bien.

Quant à l'héroïne, j'ai l'impression que l'autrice veut la faire passer pour un modèle de femme forte qui se fait une place dans la société, ne se laisse pas intimider ni dominer, etc... Sauf qu'une femme qui manipule et assassine juste par caprice personnel, moi j'appelle pas ça une femme forte mais une grosse connasse. Et pourtant on sent clairement qu'on est censé avoir de l'empathie pour elle, compatir à ses déboires et être heureux pour elle à la fin. Et franchement je trouve ça malsain de présenter une connasse pareille comme un modèle à suivre et je m'interroge sur l'état mental de l'autrice et de ceux qui vont effectivement éprouver de l'empathie pour cette pétasse (je parle du personnage hein, pas de l'autrice). Ce livre pue le féminisme fait avec le cul où on essaye de montrer que les femmes sont l'égal des hommes (et c'est même pas subtil, c'est dit texto dans le bouquin), mais c'est tellement mal fait que ça en devient contre-productif. Enfin, si, quelque part les hommes sont tout autant des connards que les femmes dans ce livre, donc...

Et à côté de ça, on nous présente des personnages qui sont censés être des méchants, mais si on y réfléchit ils n'ont pas fait pire que nos protagonistes. Il y a par exemple une histoire sans intérêt avec un bandit qui vole aux riches pour donner aux pauvres (vous aussi ça vous rappelle un truc ?) et qu'il faut absolument arrêter, mais franchement vu ce qu'ont fait les personnages principaux à côté, moi j'étais plutôt en faveur du bandit (alors que le livre le présente clairement comme une menace à éliminer). De même, à un moment Alessandra se fait vite fait emmerder par un type qui vient lui faire du chantage. Là aussi le livre veut qu'on la plaigne, qu'on se dise «Ohlala, encore un méchant homme qui vient profiter d'une faible femme», sauf qu'à la base il vient juste se venger parce que c'est elle qui l'a manipulé et a profité de lui par le passé. Alors d'accord, la vengeance c'est pas bien, mais encore une fois c'est l'héroïne elle-même qui a provoqué cette situation par ses magouilles, et l'une des possibilités qu'elle envisage pour résoudre le soucis est... d'assassiner le type (et on nous dit clairement que si elle ne le fait pas, c'est parce qu'il y a bien trop de risques qu'elle se fasse pincer, pas parce qu'elle aurait un doute sur la moralité de la chose). Chère Tricia, t'es vraiment sûre que c'est pour elle que je dois éprouver de l'empathie ?

Quant aux autres personnages il n'y a pas grand chose à en dire, ils sont surtout là pour meubler.

Une histoire qui... bouaif...

J'ai déjà établi qu'il est difficile de s'intéresser aux déboires des personnages à cause de leur caractère de merde, mais en plus de ça le récit n'a rien de très palpitant. Le résumé nous parle d'un complot pour éliminer le roi mais ça n'arrive qu'assez tard dans le livre (dans la deuxième moitié, limite aux deux tiers). Tout le début, c'est juste le récit de comment Alessandra va s'habiller, comment elle s'y prend pour attirer l'attention du roi, ses petites magouilles pour essayer de gagner ses faveurs, ses discussions avec ses nouvelles copines de la cour... On s'en bat les steaks. Même pour un personnage appréciable ça serait pas franchement intéressant, mais alors quand en plus il s'agit d'une connasse j'en ai strictement rien à foutre.

Donc ignorons déjà les deux premiers tiers du bouquin pour nous concentrer sur le dernier. Hé bien même là ça n'est pas super palpitant. Déjà c'est assez court (le livre se lit vite, alors si en plus on condense l'intrigue sur moins de la moitié...), mais surtout il ne se passe pas grand chose. En fait l'autrice a tendance à s'attarder sur les détails sans intérêts (genre la préparation de son bal de princesse, comment elle s'habille etc...) et passe assez vite sur tous les moments où il y a un peu d'action. Et si le résumé du livre nous dit que Alessandra va aider le roi grâce à son intelligence, ben je me demande bien où. À aucun moment je ne l'ai trouvée particulièrement futée... aller, juste à la toute fin quand elle devine le retournement final, admettons, mais en dehors de ça elle assiste aux événements plus qu'elle n'y contribue, et quand elle y prend part c'est rarement en sortant une idée brillante de son chapeau. Les seules choses dans lesquelles elle s'investit vraiment, c'est celles qui visent à séduire le roi avant de l'assassiner. Bref, même cette partie de l'histoire n'a rien de très intéressant, et de toutes façons vu que les personnages sont des enflures on s'en tamponne l'oreille avec une babouche australienne en dansant la lambada tout nu au clair de lune sur un air de Patrick Sébastien (comme on dit chez moi).

Et la fantaisie dans tout ça ?

La quoi ? Alors déjà, sachez que l'histoire se déroule dans un monde plus contemporain : l'électricité existe, de même que les armes à feu, mais les gens se déplacent encore en calèche, donc ça serait plutôt l'équivalent du 19ième ou début du 20ième siècle (à la grosse louche, je suis une quiche en histoire). Ensuite, presque tout le récit se déroule au palais royal, donc question environnement c'est très limité.

Enfin, le seul élément surnaturel du récit est le fameux pouvoir des ombres du roi. Et ça sert à rien... Il fait quelques trucs avec, mais c'est franchement anecdotique et pas particulièrement impressionnant. Et surtout, la faiblesse de ce pouvoir (que je ne vais pas divulguer) n'a aucun sens et fait vraiment faite exprès pour le scénario (genre «Ha ben ça quand même, c'est une sacrée coïncidence que ça permette justement de faire une métaphore à la fin du livre»). Bref le seul élément de fantaisie qu'il y a dans ce récit ne sert pas à grand chose si ce n'est rajouter un enjeu assez stupide et forcé.

Conclusion

Je pense que le but de l'autrice était de faire une œuvre féministe, avec une femme forte qui parvient à s'imposer, mais tout ce qu'elle réussit à faire c'est glorifier un comportement toxique, malsain et criminel. Les personnages sont au mieux insignifiants, au pire des connards (surtout les principaux), le peu d'intérêt du récit est gâché par le fait qu'on se fiche totalement de ce qui peut arriver aux personnages vu qu'on a aucune empathie pour eux (et encore une fois, si vous en avez, vous devriez vous poser des questions...), la fin se voit venir à des kilomètres et n'est absolument pas méritée... Ce livre est une foirade bout en bout, car je doute que l'autrice ai voulu nous dire que c'est une bonne chose d'assassiner et manipuler les gens par caprice, or c'est exactement ce qu'il raconte. Pour être franc, j'aurais pu faire cette critique en étant seulement à la moitié du livre pour m'épargner la suite, mais je l'ai fini rapidement au cas où j'aurais eu une surprise sur la fin (ce ne fut pas le cas). J'ai déjà trouvé des livres mauvais, mais je crois que c'est la première fois que j'en lis un de malsain et foiré à ce point. Vraiment, ignorez ce livre, car les seules choses qu'il a à apporter ne sont pas franchement souhaitables.

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire