jeudi 17 août 2023

Nevernight

Il y a des livres sur lesquels je sais que je vais avoir des choses à dire en article (indépendamment du fait que je les ai aimés ou non), et il y en a d’autres pour lesquels j’ai rien de très pertinent à raconter, à part peut-être une ou deux bricoles, mais j’ai quand même envie d’en faire un article. Nevernight de Jay Kristoff est dans ce second cas.

Nevernight raconte l’histoire de Mia Corvere, une jeune fille dont la famille a été assassinée sur ordre du consul Julius Scaeva, le dirigeant de la république. Pour pouvoir se venger, Mia rejoint une guilde d’assassins qui voue un culte à Niah, la déesse de la nuit. Mais Mia n’est pas une fille comme les autres : elle est une enténébrée, capable de plier les ombres à sa volonté, un pouvoir qu’elle semble tenir de la déesse Niah...

L’histoire est bien. Voila. Sur ce point j’ai vraiment pas grand chose à dire, y’a suffisamment de mystère autour de Mia et de ses pouvoirs pour garder de l’intérêt et le récit garde un bon rythme tout du long donc c’est vraiment pas difficile de s’accrocher, et de fait j’ai lu les trois tomes assez rapidement.

Concernant l’univers qui est dépeint, en vérité il n’y a qu’une seule chose qui en ressort réellement : le cycle jour/nuit très différent. L’histoire se passe dans un monde où le ciel est éclairé par trois soleils, si bien qu’il est extrêmement rare qu’il fasse nuit (ça n’arrive qu’une fois toutes les quelques années et la nuit dure alors quelques jours). Ça n’a vraiment que deux conséquences sur le récit. Premièrement, bien que les personnages soient des assassins, ils agissent toujours en plein jour alors qu’on a plutôt tendance à les imaginer de nuit, par habitude. Pour le coup, j’ai trouvé que ça n’avait pas trop d’impact sur cet aspect, peut-être parce que les moments où les personnages font vraiment de l’infiltration discrète sont au final assez rares. Ça a cependant une importance plus marquée en ce qui concerne les pouvoirs de Mia, mais je n’en dis pas plus. Deuxièmement, et c’est assez logique, les personnages ont un vocabulaire différent du nôtre. Puisque le jour dure plusieurs années, ils doivent utiliser un autre mot pour désigner ce qui est pour nous une journée. Ainsi, tout au long du roman les personnages parlent de «tour» pour désigner une journée (et disent donc «Bontour» au lieu de «Bonjour»). Ça fait un peu bizarre au début mais on s’y habitue rapidement... Dommage cependant que le récit se prenne parfois les pieds dans le tapis et utilise le mot «jour» alors qu’il ne devrait pas (c’est rare, mais du coup quand ça arrive on le remarque). J’ignore cependant s’il s’agit d’une erreur présente dans la version originale ou si c’est un problème issu de la traduction. M’enfin c’est pas un drame non plus.

Il y a un aspect que je tiens à souligner au sujet de la trilogie : son côté très cru. Ça passe par deux choses notamment : le sexe et la vulgarité.

Commençons par la vulgarité. Je suis plutôt pour le fait d’avoir des personnages plus ou moins vulgaires dans les récits car ça donne un côté plus naturel. Si un personnage lâche un juron de temps en temps ça fait plus réaliste que s’il parle constamment comme un aristocrate bien éduqué (à moins bien sûr qu’il soit un aristocrate bien éduqué, évidemment...). Mais c’est comme tout, c’est une question de dosage, et je trouve que Nevernight a tendance à avoir la main lourde. À plusieurs reprises je me suis dit qu’il se forçait à être vulgaire pour être vulgaire et ça faisait trop, au point que ça ne semblait pas très naturel, justement. Donc sur le principe la vulgarité c’est ok, mais là c’est parfois un peu abusé (mais ça va aussi dépendre de la sensibilité de chacun).

Et enfin, le sexe. Oui, il y a du sexe dans Nevernight, et de façon assez explicite qui plus est (je crois que c’est le seul livre de ma collection qui utilise le mot «clitoris», par exemple). Pour ma part, je trouve ça bien que l’auteur n’ai pas peur d’utiliser des mots tels que «pénis», «clitoris» ou «vagin», parce qu’on a souvent plutôt droit à des métaphores plus ou moins inventives pour désigner ces parties du corps (Nevernight y a recourt également, hein, mais je lui pardonne parce qu’il se permet de se moquer de lui-même sur cet aspect là à un moment du récit). Mais outre le choix des mots, je trouve que c’est bienvenu de ne pas cacher le sexe dans un roman qui, à côté de ça, parle de meurtre, de membres tranchés et de sang qui coule partout. Ce problème n’est d’ailleurs pas présent que dans la littérature, et c’est même encore plus flagrant au cinéma : montrer des gens qui se font tuer ou mutiler ça va, mais un bout de téton oulala, vite ! Cachez ce sein que je ne saurais voir ! Oui je digresse un peu, mais je pense que les deux problèmes sont liés. Bref, tout ça pour dire que je suis plutôt pour le fait d’intégrer le sexe dans le récit au lieu de le cacher derrière un rideau, surtout qu’ici il ne s’agit que de mots, pas d’images. Et au pire, si vraiment ces passages vous dérangent, vous pouvez les zapper assez facilement (le livre se permet d’ailleurs une petite blague là dessus aussi à un moment).

Autre chose que je tiens à mentionner parce que ça m’a pas mal dérangé, même si là c’est beaucoup plus personnel comme jugement : cette saga est une pub déguisée pour l’industrie du tabac. Alors soyons clairs, ça ne me dérange pas qu’un personnage boive ou fume dans une fiction, mais là j’ai quand même deux problèmes. De une, ça revient vraiment sans arrêt : l’héroïne passe son temps à fumer ou à se dire qu’elle fumerait bien si elle le pouvait (c’est le cas d’autres personnages aussi d’ailleurs). De deux, c’est uniquement montré de façon positive : ça nous dit toujours que ça lui fait du bien ou alors ça met en avant le bon goût des  cigarillos qu’elle fume. Il y a peut être une fois dans toute la trilogie où un personnage se dit qu’il devrait fumer moins parce qu’il manque de souffle, mais ce personnage est aussi un vieillard, donc bon... Je ne sais pas si l’auteur a des actions dans l’industrie du tabac mais c’était franchement pas nécessaire de rendre cet élément aussi présent dans le récit, surtout sans le contrebalancer à côté...

Il y a un dernier point qui mérite d’être mentionné, mais là on entre dans la zone SPOILER (ou la zone DIVULGÂCHAGE, si vous préférez), alors si vous ne voulez rien savoir, zappez ce paragraphe. C’est bon ? Alors allons-y : il se trouve que le récit fait partie de sa propre diégèse ; les livres Nevernight existent dans l’histoire de Nevernight. Rien de nouveau vous me direz, il y a d’autres romans qui prétendent être écrits a posteriori par un personnage de l’histoire qui relate les événements. En effet, et c’est le cas ici d’ailleurs, le récit est fait par un des personnage, mais ce n’est pas ce que je veux dire. Je veux dire que les personnages du livre ont accès au livre lui-même et peuvent le lire, et ça c’est déjà plus rare. Cette intégration est faite d’une manière plutôt maline qui justifie que les personnages puissent avoir accès au récit de choses qu’ils sont en train de vivre. Ça n’a au final pas d’énormes conséquences non plus (ça n’est vraiment utilisé qu’une fois ou deux dans l’intrigue), mais ça permet au récit de se moquer un peu de lui-même par moments (dans le troisième tome principalement), ce que j’ai trouvé plutôt sympathique.

En conclusion, j’ai beaucoup aimé Nevernight : les personnages sont attachants (d’ailleurs j’ai oublié de mentionner que le récit se concentre vraiment sur Mia et ne suis d’autres personnages qu’en de très rares occasions, donc si vous n’aimez pas les récits qui se dispersent vous allez apprécier cette attention), l’histoire est simple mais prenante, le rythme bien maintenu... Au final le seul élément qui m’a un peu rebuté est la vulgarité parfois un peu forcée et excessive. Pour le reste, c’est du tout bon.

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